Mise à jour le 2024-2-18
C’est un sujet qui reste difficile à discuter.À titre personnel, j’ai réduit mon taux à 550 €.
Mais avec la prime partage de la valeur, la suppression de certaines cotisations salariales et les réductions des cotisations patronales, je dirais que le salaire qui finit sur mon compte en banque a augmenté — au dépends bien sûr d’une solidarité avec les travailleurs et travailleuses moins bien loti·e·s que moi.
La question des salaires m’a toujours gênée. Ce blog post permet de poser différents aspects qui me travaillent, sans pour autant répondre à ce qu’il faudrait faire. Tout juste j’énonce des banalités « y’a des énormes injustices » et « je suis un sacré privilégié ».
Il faut différencier :
- qu’est-ce qu’un revenu équitable ?
- de combien j’ai besoin pour mon style de vie ?
- combien est-ce que je vaux ?
- comment ça s’applique lorsqu’on facture à la journée ?
Mais écartons tout de suite le tabou de parler d’argent ; il permet au patronat d’utiliser une carotte, sans que les collègues s’en rendent compte. Tous les travailleurs y perdent. Parlez de vos salaires entre collègues !
Je ne vais parler que de l’informatique. Par nombrilisme et parce qu’on y voit facilement des inégalités qui ne peuvent pas être justifiées par les hiérarchies traditionnelles telles que cadre vs. ouvrier.
Revenu équitable
Un exemple de startup
À titre individuel, on souhaite bien sûr toujours un petit peu plus. Pour plus de confort matériel, pour se rassurer quant à l’avenir, pour être reconnu pour le travail effectué… C’est totalement légitime, mais cela ne permet pas de dessiner une société plus juste.
Pendant qu’on prépare la révolution qui finira par nous amener au communisme, c’est-à-dire à une société sans argent (entre autres), posons-nous la question si on mérite vraiment nos revenus.
Prenons la grille de salaire de Alan :
L’entreprise revendique un rapport de 8 entre salaires (à ancienneté égale il peut toujours y avoir un facteur 6).
En cas de succès pour les fondateurs et investisseurs (rachat par une autre entreprise ou introduction en bourse), on pourrait espérer une atténuation des inégalités. C’est tout le contraire. Avec les BSPCE (stock options en France), entre deux salariés, il peut y avoir un écart d’un facteur 750 !
Que disent les statistiques ?
La moyenne
Selon l’INSEE, en 2016, pour les salariés, le salaire moyen équivalent temps plein était de 2 238 €
nets, soit environ 35 000 €
bruts.
Les salaires de la fonction publique, sont légèrement plus faibles à 1 944 €
, mais ne changeront pas significativement la statistique.
En revanche, il manque tous les revenus précaires (au noir, micro-entreprise, temps partiel forcé…).
Cela permet clairement d’affirmer : si vous gagnez plus de 2 200 €
nets, vous contribuez à l’accroissement des inégalités en France.
Cependant, n’allez pas vous flageller tout de suite. Inégalité ne veut pas forcément dire injustice ; vous avez peut-être des personnes à charge, un loyer parisien, besoin d’une voiture pour aller travailler, ou encore un prêt étudiant à rembourser…
Les déciles
Une moyenne ne dit cependant pas grand chose : si Bernard Arnault passe prendre un ballon de muscadet dans un troquet, en moyenne, tous les clients sont millardaires.
Selon l’INSEE, pour une personne vivant seule, sans enfants :
- 50 % gagne moins de
19 010 €
/an - 90 % gagne moins de
34 740 €
/an
Donc si vous gagnez plus de 3 000 €
par mois, avant impôts sur les revenus, vous êtes dans le 10 % des plus hauts revenus de France.
Que dire de ces statistiques
Probablement rien. Ça permet juste de ne pas oublier que nous sommes privilégiés. Il est important de se rappeler que l’écrasante majorité de la population française (plus de 90 %) gagne moins de 3 fois le SMIC.
Quand on voit que la tranche à 41 % de l’impôt sur les revenus ne s’applique qu’aux revenus au delà de 73 517 €
…
Besoin de combien pour vivre
Voici combien je gagne, pour quel temps de travail et comment j’emploie ces revenus.
Temps de travail
La convention collective syntec qui régit la plupart des développeurs définit qu’une année ouvrée comporte 218 jours travaillés (5 semaines de congés, environ 10 jours de RTT, soit 7 semaines de vacances au total).
J’ai choisi d’être aux 3/5ème, soit 130 jours selon cette convention.
Chaque mois que je travaille, je consacre un jour à Codeurs en Liberté (quand c’est mon tour de faire la compta, échanges internes et externes…), soit 10 jours par an.
Cela fait donc 120 jours de travail que je facture par an.
Combien facturer
Si j’étais salarié d’une entreprise de conseil ou de prestation, avec mes 13 ans d’expérience professionnelle, je suppose que je serais facturé environ 1000 €
/jour aux clients.
Cependant chez Codeurs en Liberté, nous n’avons pas de locaux, pas de commerciaux et pas d’actionnaires à engraisser.
Nous facturons donc habituellement 600 €
par jour et par personne pour les contrats récurrents (moins pour les petits clients que nous aimons bien et 800 €
pour les interventions très courtes).
Je facture donc environ 72 000 €
par an.
Mes besoins
Je suis conscient d’être dans une situation particulière. En particulier je n’ai personne à charge, je n’ai pas besoin de voiture et je suis locataire. J’ai donc des dépenses assez restreintes. Il ne s’agit pas de pointer du doigt ceux qui ont d’autres besoins. Je pars juste de ma situation personnelle pour alimenter la discussion.
- Loyer : 12 000 €
- Épargne : 12 000 € (3 000 € en versements, 9 000 € en abondement)
- Factures récurrentes : 2 000 € (internet, téléphone, électricité, Netflix, Spotify, Mediapart, assurance…)
- Dons et cotisations : 1 000 € (syndicat et associations, fortement déductibles des impôts)
- Dépenses courantes : 9 000 € (alimentation, fringues, culture, beaucoup trop de bars…)
- Vacances : 2 000 € (billets de train, hébergements, activités…)
- Achat d’équipements : 1 000 € (ordinateur, vélo de voyage, clarinette… des choses entre 1 000 et 2 000€ qui durent entre 5 et 10 ans)
Total : 38 000€ par an.
Dataviz
Ça n’apporte pas grand chose au débat et ça ne colore même pas l’article, voici un intermède.
Où va l’argent depuis les sommes facturées aux clients jusqu’aux différents usages.
Et maintenant ?
Je ne travaille que 3 jours sur 5, mes revenus me placent dans le 10 % des plus hauts revenus et j’épargne l’équivalent de l’intégralité des revenus de 10 % de la population. En plus j’ai déjà un patrimoine confortable (1/3 d’héritage, 1/3 de BPSCE, 1/3 d’épargne).
Je suis donc très à l’aise, probablement un peu trop. Est-ce que j’ai besoin de dépenser un SMIC entier, après avoir payé mon loyer ? Ai-je besoin d’accumuler tant d’argent ?
Réduire les besoins
D’une part, je peux donc réduire mes besoins
- Je n’ai pas besoin d’épargner tant,
- Je pourrais choisir des loisirs moins chers,
- Arrêter de boire autant de pintes de bière parisienne artisanale à 8 €.
Pour réduire les facturations
Avec des besoins réduits, je peux réduire les entrées d’argent
- Travailler un peu moins de 3 jours par semaine ou prendre plus de 7 semaines de congés (on se rapproche de la semaine de 15 h)
- Facturer un peu moins par jour (surtout pour des structures qui ne peuvent pas se permettre des taux journaliers aussi absurdes)
- Passer un peu plus de temps sur des projets qui ne rapportent pas
Bilan
Il n’y en a pas.
Si cet article a permis un reality check, s’il peut être le point de départ d’une réflexion sur notre manière de dépenser, combien gagner, combien facturer, alors il aura servi à quelque chose.
En ce qui me concerne, il me servira à acter que vraiment, je gagne trop et que je vais y remédier.
Enfin, mon cas est personnel. Il ne s’applique pas à plein d’autres situations :
- je n’ai pas un emprunt immobilier à rembourser,
- je n’ai pas d’enfants,
- j’ai eu de la chance à la naissance et aux stock options,
- je n’ai pas de dette étudiante.
Vivement la fin de l’argent. Ça sera plus simple. Dans un premier temps au moins, arrêtons de faire des transactions pour les besoins de base (généralisons le tiers payant, appliquons-le au transport et à l’habitat !).
Je m’emballe, on sort complètement du cadre des ces réflexions, mais je ne savais pas comment conclure.